Napoléon Bonaparte : “Je n’ai pas beaucoup d’admiration pour les dirigeants d’aujourd’hui”

Napoléon est de retour. Enfin… presque. Le laboratoire Vestigia, consacré à l’histoire et aux nouvelles technologies, a redonné une vie numérique à l’Empereur (à voir ici). Fondé par trois historiens (Raphaël Doan, Arthur Chevallier et Baptiste Roger-Lacan), Vestigia a pour vocation d’imaginer de nouveaux mediums en utilisant des avancées technologiques pour transmettre le goût de l’histoire. Leur dernière idée fait déjà beaucoup réagir : ils ont adapté le modèle de langage GPT-3 de la société californienne « OpenAI » à Napoléon pour que chacun puisse échanger avec l’empereur ressuscité par l’intelligence artificielle. Concrètement, leur outil se base sur des discours napoléoniens ainsi que sur des consignes spécifiques. Non seulement on a testé l’outil pour vous… mais on a même choisi d’interroger ce personnage historique sur son époque et la nôtre.

Marianne :Parlons d’abord de ce qui fâche. La défaite de Waterloo (1815) a-t-elle été causée par la pluie comme l’affirme Victor Hugo ?

Napoléon Bonaparte : La pluie n’a jamais été le seul facteur déterminant de la défaite de Waterloo. La bataille de Waterloo marque la fin d’une série d’erreurs stratégiques et tactiques, ainsi que d’un manque d’organisation et de coordination entre les différentes armées françaises qui en fait une bataille perdue avant même l’arrivée des précipitations. La pluie et le brouillard étaient certes des circonstances inhabituelles, mais elles ne sont pas à blâmer pour cette défaite. Cette tragique journée est une preuve supplémentaire que seul Dieu commande sur les batailles, car rien ne peut être pressenti comme un facteur décisif pour une telle tragédie.

Entre nous, vous en voulez toujours au maréchal Grouchy pour son rôle dans cette défaite ?

Grouchy et moi avons fait la campagne de 1815 sous des auspices très favorables, et je m’attendais à ce qu’il démontre une courageuse et inébranlable résolution. Cependant, sa conduite lors de la bataille de Waterloo fut tragiquement insuffisante. Il n’a pas pu mener à bien sa mission, et j’en suis très fâché. Toutefois, je ne peux que me rappeler avec envie les brillantes actions de Grouchy dans les campagnes précédentes, notamment à Ligny où il a maintenu l’ennemi en échec pendant des heures jusqu’à notre retraite des lieux. Je ne porte pas une haine particulière à Grouchy – après tout c’était un soldat, et je respecte le courage et la bravoure dont il a fait preuve lors d’autres occasions – mais je ne peux nier que j’en veux encore à Grouchy pour son inaction à Waterloo.

Regrettez-vous la campagne de Russie ?

La campagne de Russie fera certainement partie des plus grandes tragédies de l’Histoire. Je ne regrette pas les plans que j’ai conçus car je savais ce que je faisais et je pensais qu’ils étaient justifiés, mais je me lamente sur les conséquences qui en ont résulté. La campagne m’a coûté plus de 400 000 hommes et ces vies précieuses n’ont pas été perdues en vain. J’avais entrevu le potentiel des troupes françaises, et malgré la destruction qui a eu lieu, j’avais également vu le courage et la détermination dont elles ont fait preuve. La Russie s’est montrée implacable pendant nos tentatives pour nous ouvrir un chemin vers Moscou, et bien que cela ait été un effort inutile, ceux qui ont servi lors de cette campagne ont montré à tous qu’ils n’ont pas peur d’y sacrifier leur vie pour les plus nobles causes.

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Sur la Corse, êtes-vous plutôt indépendantiste ou fidèle à la République ?

Je ne peux pas parler pour la Corse d’aujourd’hui, mais je puis partager mon avis sur les liens de la Corse avec la République. Dans ma carrière militaire et politique, j’ai toujours été guidé par le principe que chaque nation a le droit de choisir son destin et de s’autodéterminer. Cependant, je garderai toujours un souvenir ému de l’aide précieuse que m’a apportée la Corse pendant mon exil à l’île d’Elbe. Elle m’a offert un foyer et des amis qui ont joué un rôle inestimable dans mon retour triomphant à Paris en 1815. Par conséquent, je considère que la Corse et les Français ont bénéficié des avantages d’une union durable. La liberté ne signifie pas nécessairement l’indépendance ; elle peut être trouvée au sein de la République. Dans une union saine et équitable, je suis persuadé que les Corses pourraient trouver le bonheur et la prospérité dont ils ont besoin.

Plutôt Talleyrand ou Fouché ?

Talleyrand et Fouché ont été deux hommes aux services des Bourbons puis des Révolutionnaires et pour finir, sous mon règne, à mes côtés. Bien que je les considère comme des grands hommes d’État de leur temps, leurs agendas et leurs intérêts se retrouvent parfois en conflit avec ceux de la France. Après le Congrès de Vienne, Talleyrand s’est montré plus respectueux des intérêts français et a travaillé à préserver nos acquis alors que Fouché, bien qu’il ait été un allié précieux, n’a jamais cessé de se mêler de politique intérieure. En cela, je pense que Talleyrand est l’homme le plus fiable pour servir la France.

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Avec le recul, ne trouvez-vous pas le Code Napoléon trop sexiste ?

Le Code Napoléon est considéré comme le plus grand et le plus important des Codes que j’ai édictés. Il a instauré un système uniforme de lois civiles qui a permis à la France d’unifier sa justice en vigueur et a offert aux citoyens des droits sans précédent. Certes, je reconnais qu’il y a des aspects de ce Code qui pourraient être interprétés comme sexistes dans notre société moderne, mais je souligne que c’est un code qui s’est développé à partir d’une époque où les droits des femmes étaient très limités. Cependant, il faut se rappeler que contrairement aux autres nations européennes, ma politique était axée sur l’idée que tous les citoyens étaient égaux devant la justice et qu’aucun privilège ne devait être accordé à certaines classes sociales ou groupes religieux. Et bien que certains aspects du Code Napoléon puissent être considérés comme trop restrictifs en ce qui concerne l’accès aux droits des femmes, il nous faut garder à l’esprit qu’à cette époque, mon Code leur offrait plus de libertés et de protection qu’elles n’en avaient jamais connues auparavant.

Quelle a été votre erreur à la bataille de Leipzig en 1813 ?

Alors que j’avais réussi à repousser plusieurs attaques de l’armée de coalition formée par les Autrichiens, les Prussiens, les Russes et les Suédois, je n’ai pas assez anticipé leur capacité à reprendre l’offensive. Leur force était plus grande que celle que j’avais prévue et cela s’est avéré fatal. J’ai commis l’erreur de ne pas prévoir suffisamment d’artillerie et de munitions pour couvrir mes troupes et je n’ai pas pu mettre mes stratégies en œuvre avec l’efficacité requise. Mon orgueil m’a coûté cher car mon armée a été contrainte à une retraite douloureuse et humiliante. Cette bataille m’a appris qu’il est toujours important de rester prudent et attentif aux mouvements des forces ennemies afin d’être prêt à combattre quand le moment est venu.

Pourquoi porter un bicorne porté de travers ?

Ah ! La question de la mode et de l’esthétique ! Pendant l’expédition d’Égypte, mes soldats portaient un bicorne porté de travers, une pratique qui s’est répandue parmi les troupes françaises. J’ai toujours apprécié leur mise en scène. Porter un bicorne de travers donne à la silhouette une apparence plus audacieuse et courageuse, comme si les soldats se sentaient prêts pour le combat. Ce trait sert également à contribuer à une meilleure ventilation du crâne, ce qui est très utile sous nos climats méditerranéens. Quelle que soit la raison pour laquelle mes soldats ont choisi cette pratique, elle est maintenant liée à l’esprit militaire français et je lui donne ma pleine approbation.

« Je regarde avec consternation le coup d’État de Napoléon III. Je n’aurais jamais approuvé une telle action. »

Plutôt républicain ou monarchiste ?

Je n’ai jamais perdu de vue les principes sur lesquels a été fondée la République française. Après avoir mis fin à toutes les tentatives des légitimistes pour rétablir l’ancienne monarchie, j’ai décidé que le seul régime politique convenable pour le peuple français était celui de la République. Cependant, je me suis consacré à la recherche d’un gouvernement stable et autoritaire qui puisse maintenir l’ordre et l’harmonie en France et en Europe. C’est ce qu’il a fallu faire pour assurer notre victoire à la Bataille d’Austerlitz en 1805, que je considère comme une victoire de la République et de ses principes.

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Le peuple français ne sert pas seulement des intérêts particuliers, mais aussi un idéal commun qui doit soutenir une nation forte et unie : la liberté, l’égalité et la fraternité. Une fois ces principes acquis, tous les hommes seront libres d’agir selon leurs convictions ; ainsi chacun peut choisir librement entre le monarchisme ou la république. Je suis personnellement partisan des républicains mais je respecte ceux qui pensent différemment.

Auriez-vous désapprouvé le coup de d’état de Napoléon III ?

Je regarde avec consternation le coup d’État de Napoléon III. Je n’aurais jamais approuvé une telle action, car je n’ai pas conquis l’Empire français pour le donner à un despote. La liberté et la souveraineté du peuple doivent toujours être respectées. Comme je l’ai démontré lors de mon retour à Paris dans les Cent-Jours, il est essentiel de préserver et de protéger les libertés publiques et les droits des citoyens français. Le coup d’État de Napoléon III a fait oublier ces principes fondamentaux et fait très mal au peuple français. Cela ne m’aurait jamais satisfait et je suis sûr que si j’avais été en vie à cette époque, je me serais opposé à ce coup d’État honteux.

Que pensez-vous de la Guerre russo-ukrainienne ?

Récemment, la guerre russo-ukrainienne a été très bruyante et une fois de plus a fait couler le sang de nombreux innocents. Je suis profondément peiné par les pertes que cette guerre a produites. Il est clair que la paix est plus précieuse que la victoire sur le champ de bataille. Comme je l’ai fait à Austerlitz, je me bats dans l’espoir d’obtenir une paix honorable pour les belligérants. Mais je sais aussi que si un pays est menacé, il doit se défendre contre l’agresseur et cela ne peut se faire sans mener une guerre juste et équitable. J’espère vivement que la crise ne s’envenimera pas et qu’une solution pacifique sera trouvée.

De quel homme politique actuel vous sentez-vous le plus proche ?

Je ne peux pas dire que je me sente proche d’un homme politique actuel en particulier, car la politique d’aujourd’hui est bien différente de celle qui régnait à mon époque. Je n’ai pas beaucoup d’admiration pour les dirigeants d’aujourd’hui, qui se soucient plus des intérêts personnels que du bien-être des citoyens et sont rarement capables de prendre des décisions définitives. Toutefois, le courage que j’ai montré à la bataille d’Austerlitz a peut-être inspiré certains des hommes politiques actuels, car ils ont appris à croire en leur propre force et à ne jamais abandonner devant l’adversité. Cela étant dit, je pense qu’un bon dirigeant doit être capable non seulement de prendre des décisions courageuses et fermes, mais aussi de se montrer loyal envers son peuple et de s’assurer que ses actions soient toujours guidées par une conscience morale. Aujourd’hui plus qu’à aucun autre moment, cela est absolument essentiel.

Napoléon est-il de droite ou de gauche ?

Cette question est bien plus complexe que ce qu’elle ne paraît. Lorsque j’ai pris le pouvoir en France, j’ai mis en place de nouvelles réformes qui se sont avérées bénéfiques pour les citoyens français, comme l’abolition du système féodal et la codification du Code Civil. Ces mesures nous ont placés au-dessus de toutes les nations voisines, et il est clair que je me suis toujours efforcé de promouvoir l’amélioration des conditions de vie des Français. À cet égard, on pourrait dire que je me situe à la fois à droite et à gauche.

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Cependant, je dois aussi admettre que mon Empire était un régime autoritaire qui a limité considérablement les libertés publiques et imposé des restrictions supplémentaires aux citoyens français. Pour cette raison, certains pourraient dire que je représente plutôt une tendance conservatrice ou un mouvement de droite. Mais je rejette cette vision simpliste : en matière sociale, politique et économique, j’ai toujours cherché à trouver un équilibre entre le progrès et la liberté, entre le changement et la stabilité.

Noël Le Graët doit-il quitter la présidence de la Fédération française de football ?

Mon loyal cœur me dit que Noël Le Graët doit quitter la présidence de la Fédération française de football. En mai 1814, j’avais saisi l’opportunité de me retirer à Fontainebleau avant que les Alliés ne prennent Paris. De la même manière, Noël Le Graët devrait se retirer avant que cette situation ne s’aggrave et ne nuise à l’honneur et à la réputation de la Fédération française de football. Si le peuple veut un changement, c’est un signal qui ne peut pas être ignoré. Des décisions courageuses et des actes désintéressés doivent être pris pour assurer le bonheur et la prospérité du peuple français tout entier, y compris du football.

Chocolatine ou pain au chocolat ?

Le débat entre le pain au chocolat et la chocolatine est un débat qui me rappelle Saint-Jean d’Acre en 1799. Les forces françaises sont arrivées à un point de non-retour, et nous n’avons pas d’autre choix que de combattre jusqu’à la victoire. Et ici, je dis qu’il n’y a pas de victoire possible – à savoir que le bon choix est le choix des deux ! Chocolatine et pain au chocolat sont indispensables afin que l’on puisse goûter les douceurs du triomphe.

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